Alphabet Illustré Valérie Hugo
Urbain Dubois
Urbain Dubois est né à Trets en 1818. Son père était maître tisserand, sa mère, fille d’un notaire, confia l’éducation du futur grand cuisinier au curé de Trets qui le familiarisa avec le latin. Cela se ressent dans le style de ses ouvrages.
Il commença son apprentissage dans son village natal, chez son oncle Jean Dubois, propriétaire d’un établissement renommé. Jean Dubois n’était pas n’importe qui ; il fut chef des cuisines du Maréchal Antoine Bertrand qui accompagna Napoléon à l’île d’Elbe et plus tard à Saint Hélène. Son education culinaire fut rude car le professeur l’était tout autant et la sévérité du second forma le caractère du premier
Dubois épousa Marie-Virginie-Louise Boder le 30 Décembre 1868 à Postdam. Ils eurent 5 enfants : Joseph-Emile, Albert-Félix, Ernest-Eugène, Julie-Marguerite et Jeannette-Hélène. Il décéda à Nice en 1901.
Il finit sa formation au sein de la famille Rothschild puis passa successivement dans trois des cafés célèbres de Paris, le café Tortoni, le café Anglais, tenu par Adolphe Dugléré, et le Rocher de Cancale où officie Langlais, auteur de la Sole Normande.
En 1855, il officiait dans la maison du prince Alexeï Fedorovitch Orlov, à qui il dédia notamment sa recette du “Veau Orlov” aussi appelé “viande à la française” par les russes.
‘’Le veau Orloff est composé d’un rôti de veau préalablement cuit et découpé en tranches que l’on tartine de sauce Soubise et d’une duxelles de champignons. Le tout, reconstitué, est recouvert de sauce Maintenon truffée et réchauffé au four. La sauce Maintenon est une sauce Soubise avec une duxelles de champignons. La sauce Soubise est une sauce béchamel agrémentée d’une purée d’oignons.’’
En 1864 il devint chef de bouche de la maison de Guillaume Ier, roi de Prusse et empereur d’Allemagne et le restera pendant plus de vingt ans jusqu’en 1885. ll se rendait chaque matin chez l’empereur, juste après la visite du médecin :
« Le cuisinier de Sa Majesté se présente aussitôt après, avec deux ou trois projets de menus que Guillaume Ier étudie avec autant de soin qu’un rapport de M. de Bismarck. Ce cuisinier n’est pas ce qu’un vain peuple pense ; c’est un personnage considérable, c’est le véritable ministre de l’Intérieur du puissant empire : car lorsque l’empereur a bien dîné, les soldats reçoivent des congés, les laquais des culottes neuves, et les évêques en prison une portion de lentilles. La France peut s’honorer d’avoir donné le jour à ce marmiton illustre, qui répond au nom d’Urbain Dubois. […] Après la guerre, Sa Majesté, en froid avec son cuisinier français, a voulu essayer de se repaître de cuisine allemande ; mais son estomac s’est révolté contre cet excès de patriotisme, et un pont d’or a été jeté à M. Dubois pour l’engager à rejoindre ses fourneaux. L’empereur n’est pas gourmand : il aime la cuisine simple, mais bien faite, la “cuisine classique” ; et il aime avant tout la “cuisine économique”. L’ingénieux Dubois a trouvé le moyen de résoudre ce problème difficile de la qualité et du bon marché. La Prusse lui doit une statue. »
Il interrompit toutefois sa collaboration avec la maison de Prusse lors de la guerre de 1870 pendant laquelle il rentra en France.
Urbain Dubois est l’auteur de nombreux ouvrages. Tout au long de sa carrière il s’est montré ingénieux, perspicace et curieux. Il y avait en lui une véritable volonté de transmission du savoir-faire. Dans cette période d’évolution profonde de la cuisine qu’est le 19ème siècle, il est un maillon important entre l’œuvre d’Antonin Carême et celle d’Auguste Escoffier qui fut son élève.
Ce sont des livres pédagogiques à destination aussi bien des ménagères bourgeoises que des cuisiniers ou des pâtissiers, car il voulait transmettre son art de la cuisine. Ses livres sont agrémentés de nombreuses planches explicatives très détaillées.
Dans ses publications, il codifie l’ordonnancement des menus et des services, les rénovant par rapport à ce qu’avait pu prôner Antonin Carême qui lui-même les avait déjà simplifiés.
Il est aussi un défenseur du service “à la russe” où les plats sont présentés coupés, contrairement au service “à la française”. On lui doit notamment que cette technique de service prévale dans les dîners de prestige. Son principal ouvrage reste “la Cuisine classique”(1856) écrit en collaboration avec Émile Bernard: il s’agit d’un ouvrage d’études pratiques, raisonnées et démonstratives de l’école Française appliquée au service à la Russe en 2 volumes. C’est l’un des plus grands traités de cuisine moderne. D’autres œuvres ont suivi: “La Cuisine de tous les pays” (1868): Études cosmopolites où sont rassemblées nombre de recettes, allemandes, françaises, italiennes, anglaises, russes, polonaises, etc. “la Cuisine artistique” (1870) “l’École des cuisinières” (1876) “la Nouvelle Cuisine bourgeoise pour la ville et pour la campagne” (1878) “le Grand Livre des pâtissiers et des confiseurs” (1883) “la Cuisine d’aujourd’hui” (1889) “la Pâtisserie d’aujourd’hui” (1894): Grands et petits gâteaux, sujets d’ornements, entremets chauds et froids, glaces, conserves de fruits & légumes. Buffets de réceptions, bals, soirées spécialités. Cet
ouvrage comprend 210 dessins de plats et de présentations.
De nos jours, pour autant, nous trouverions ses services d’une lourdeur pesante. Il fut l’inventeur des mandrins, supports et tambours, il affectionnait particulièrement la présentation sur socle, toutes sortes de présentations que l’on retrouve dans ses planches
Veau Orloff
Selle de veau braisée, tranchée, fourrée de purée de champignons et d’oignons avec des lames de truffes, puis reconstituée, nappée de sauce Maintenon (appareil salé fait de champignons, d’oignons et de béchamel), poudrée de Parmesan et glacée au four.
En garniture, prévoir du céleri braisé ou des darioles foncées de branche de céleri braisé et garnies de purée de céleri mousseline, des tomates, des pommes château (pommes de terre tournées en tonnelet et cuites au beurre, cru ou clarifié).
Ingrédients
• 700 g de rôti de veau dans la noix pâtissière
• 125 g d’emmental râpé
• 200 g de champignons de Paris
• 4 c. à soupe de beurre
• 1 c. à café d’huile d’olive
• 3 c. à soupe de farine
• 50 cl de lait
• sel fin, poivre blanc du moulin
Préparation
Versez de l’huile d’olive dans une cocotte suffisamment grande pour accueillir votre rôti de veau. Disposez-le dans celle-ci et dorez-le sur toutes ses faces. Laissez-le cuire ensuite à couvert, sur feu doux, pendant environ 1h30. Ne salez et poivrez la viande qu’en fin de cuisson.
Epluchez les champignons de Paris, coupez la base de leur pied et émincez-les en lamelles. Faites-les revenir dans une poêle à couvert avec 1 c. à soupe de beurre, sur feu doux, pendant environ 15 min.
Pour la réalisons de la sauce béchamel, faites fondre le beurre dans une casserole, ajoutez ensuite la farine puis le lait. Fouettez la sauce jusqu’à ce qu’elle soit crémeuse est homogène. Salez et poivrez selon votre convenance. Incorporez ensuite le fromage râpé.
Réduisez les champignons de Paris cuits en purée, à la moulinette, voire au mixeur. Mélangez cette purée avec quelques c. à soupe de sauce béchamel, jusqu’à l’obtention d’une pâte onctueuse.
Découpez le rôti en tranche. Nappez chacune d’elles de purée de champignons. Reconstituez le rôti. Et versez sur celui-ci de sauce béchamel. Enfin, prolongez la cuisson du veau, sur feu doux, pendant 1 heure dans la même cocotte.
Dressez votre rôti sur un plat de service chaud et servez votre viande de bœuf à l’ancienne aussitôt.
Sources
http://chefsimon.com/articles/litterature-urbain-dubois
Victor Tissot, Voyage au pays des milliards, Paris, E. Dentu, 1876, p. 218.
https://www.cuisineaz.com/recettes/veau-orloff-a-l-ancienne-431.asp