Alphabet Illustré Valérie Hugo
La mère Bizolon (La mère des Poilus)
Je voulais faire un billet sur toutes les Mères, les Lyonnaises et les Auvergnates, telles que la Mère Gagnevin, la Mère Brazier, la Belle Meunière et bien d’autres et puis j’ai découvert la Mère Bizolon, et comme c’est le Centenaire de l’armistice, j’ai décidé de mettre Clothilde à l’honneur aujourd’hui.
Clotilde Thévenet nait le 21 janvier 1871, dans le village de Coligny, à la limite de l’Ain et du Jura, entre la pleine de Bresse et les collines du Revermont. Elle se marie avec un monsieur Bizolon, cordonnier de son état. Leur fils Georges nait le 25 août 1891 et le couple part s’installer à Lyon dans le quartier de Perrache où le cordonnier ouvre boutique, 5 rue Henri IV. En 1893, à l’âge de 22ans elle perd son mari.
La Veuve Bizolon décide de participer, à sa modeste manière, au soutien du moral des troupes. Elle improvise un comptoir exposé à tout vent, formé de quelques planches et de six tonneaux de bois. Par mauvais temps, elle s’installe dans le hall de la gare de Lyon-Perrache et propose gratuitement aux soldats en transit, du café, du pain et du vin, des biscuits, du saucisson et du bouillon … et des mots de soutien. En 1914, mobilisé, le fils Bizolon est envoyé au front. Désormais seule, Clotilde Bizolon décide de participer à sa façon au soutien du moral des troupes. Avec l’aide de voisins et d’amis, elle installe un comptoir improvisé, formé de quelques planches, dans le hall de la gare de Perrache. Là, elle propose gratuitement aux soldats en transit, du café et du vin accompagnés d’encouragements et fait promesse à son fils de continuer son action, même s’il vient à disparaître. En remerciement, les soldats lui chantent souvent « La Madelon » par respect et par gratitude. Ce chant populaire fut créé en 1914 par Camille Robert (1872-1957) pour les soldats en permission. Il devient rapidement un chant militaire dont La Mère Bizolon en est devenue l’incarnation nationale.
Refrain:
Quand Madelon vient nous servir à boire
Sous la tonnelle on frôle son jupon
Et chacun lui raconte une histoire
Une histoire à sa façon
La Madelon pour nous n’est pas sévère
Quand on lui prend la taille ou le menton
Elle rit, c’est tout le mal qu’elle sait faire
Madelon, Madelon, Madelon !
En mars 1915, Georges Bizolon est tué au front et sa mère tient sa parole. Pour continuer son action caritative, baptisée” Le Déjeuner du soldat ”, elle remue ciel et terre. A l’argent donné par des passants, des amis, des voisins, s’ajoute bientôt, après bien démarches, l’aide de la municipalité. Elle fait élever devant la gare un abri en dur avec parois en bois, toit de zinc et cheminée pour installer l’énorme cafetière utilisée.
La Madelon suscite espoir et réconfort pour tous ces jeunes gens mobilisés qu’elle considérait comme ses enfants. La Mère Bizolon est une Mère Lyonnaise à part. Sa modeste restauration à la Gare Perrache la fera entrer dans la légende. Son cœur meurtri sera celui d’une” Mère” tant aimée par ses petits protégés d’adoption. C’est également la ” Mère” par excellence de tous les Lyonnais orphelins. Cette maman a su les aimer et les réconforter comme il se doit. Le Buffet que dressait quotidiennement La Mère Bizolon à la gare Perrache vaut plus qu’un long discours. Il prouve qu’une simple collation suffit à remonter le moral des troupes et à oublier les atrocités du jour.
« Une vraie Femme de France … Un groupe de ces soldats se presse autour d’un primitif buffet improvisé : deux chaises supportant une planche, des brocs contenant l’un du café fumant, l’autre du chocolat, et une brouette contenant du pain et la provision de chocolat, de café et de sucre, ainsi qu’un panier rempli de vieux bois et de tasses dépareillées. Ce buffet en plein vent est tenu par une frêle petite créature, une femme du peuple, en vêtements de travail : tablier bleu, fichu noir, pas de chapeau. C’est Madame Bizolon. Elle est là depuis quatre heures du matin, et jusqu’à midi … elle distribue des boissons chaudes, gratuitement, aux soldates de passage … Sa tâche terminée, la brave dame Bizolon en entreprend une autre : celle d’aller quêter en ville pour son œuvre. Car l’excellente personne n’a pas de fortune ; nous l’avons dit, c’est une femme du peuple, mais une de ces femmes au cœur de mère, bonne, généreuse, sensible à la souffrance d’autrui, calme et forte dans l’accomplissement du devoir qu’elle s’est imposé, inspirée seulement par le souvenir de celui qu’elle adorait, de son cher fils qu’ils lui ont tué là-bas ! « Oui, c’est pour lui que je viens ici tous les matins » dit-elle, et, à travers ses larmes, filtre un sourire pour les soldats qu’elle continue d’inviter : « Venez, venez, mon brave petit chasseur : chocolat, café ? … Non, ici on ne paie pas … » Article de Marcel d’Acanthe dans un journal local de 1917
« Profil lyonnais Pour parler, comme elle le mérite, de cette bonne Lyonnaise, si grande et pourtant si simple, dans sa tenue modeste de femme du peuple, il nous faudrait un cadre beaucoup plus vaste que celui de ces rapides esquisses, forcément incomplètes. Mais rassurons-nous : point n’est besoin de retracer l’histoire si touchante de cette œuvre toute de dévouement : « Le Déjeuner du Soldat » fonctionna durant toute la guerre à la gare Perrache ; Mme Bizolon, non seulement, en fut l’instigatrice généreuse, mais aussi, la bonne fée, prodiguant jusqu’au dernier jour, sa peine et ses maigres ressources aux militaires de passage dans notre ville. Il y a cependant, des gestes si jolis, que l’on éprouve toujours, même après tant d’autres, l’obligation d’en souligner encore la beauté. D’ailleurs Mme Bizolon … peut-elle être insensible à l’hommage de « Guignol » … puisque « Guignol » est le meilleur ami de « Gnafron* » ?
Gnafron est une marionnette lyonnaise, compagnon de Guignol. Dans certaines pièces du répertoire classique, il est le père de Madelon. C’est aussi l’emblème des « Bouchons Lyonnais » tout comme La Mère Bizolon est devenue la mythique Madelon Lyonnaise. Article du Journal Guignol du 26 mars 1921
Édouard Herriot alors président du conseil la décore en mai 1925 de la Légion d’honneur pour service rendu à la nation. La Mère Bizolon » est désormais l’une des figures les plus populaires de la capitale des Gaules. Entre les deux guerres, elle continua à exploiter sa boutique. On y vient de loin rencontrer ce mythe décoré de la Légion d’Honneur. Par dizaine de milliers les soldats venus du monde entier ont été servi en quelques années par La Mère Bizolon.
En 1939, malgré la fatigue et le poids des ans, trinquant un peu trop souvent avec ses amis les vieux poilus, Clotilde Bizolon reprend du service devant la gare, n’hésitant pas à loger chez elle ceux qui le lui demandent. Certains s’inquiètent des individus louches qui entourent la bienfaitrice, implorant sa compassion…
En février 1940, un voisin du nom de Collomb, qui fait la sieste, entend des gémissements provenant de l’appartement de Mme Bizolon. Il défonce la porte et la trouve étendue dans une mare de sang : elle vient d’être attaquée. On la transporte à l’Hôtel-Dieu, la police tente de l’interroger, mais elle sombre dans le coma et meurt quatre jours plus tard. On a toutefois arrêté un singulier personnage : un unijambiste connu pour son agilité et recherché pour plusieurs cambriolages. Or, l’homme s’empoisonne au dépôt du palais de justice. On découvre alors dans la prothèse, où il avait caché le poison, une cavité dissimulée, où le suicidé conservait une trousse de cambriolage. Le Dr Locard lui attribue le crime. D’autres hésitent. Soixante-dix ans plus tard, le mystère subsiste…
Ses funérailles, prises en charge par la ville de Lyon, sont célébrées le 7 mars 1940 en la Basilique Saint-Martin-d’Ainay. Une foule considérable, en présence du Président Édouard Herriot (1878-1957), est venue lui rendre un dernier hommage. La messe d’enterrement est célébrée par le Cardinal, Archevêque de Lyon, Pierre Gerlier (1880-1965), primat des Gaules .
Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/ClotildeBizolon
http://www.lamerebizolon.com/